Habiter dans la Parole; La langue comme refuge

Avec mentor • 23 leçons • 164 étudiants

L’ALPHABET HÉBREU

* Je suis l’alpha et l’oméga

Dans les études bibliques, nous partons le plus souvent d’un livre bi­blique ou nous étudions un sujet déterminé à partir de différents textes. Dans cette étude, nous prendrons précisément l’alphabet comme point de départ et de là, nous irons vers les textes. Nous verrons comment nous ’atterrirons’ et où toute notre analyse sur l’alphabet nous mènera. Nous examinerons des mots dans lesquels nous pouvons pour ainsi dire ha­­biter.

L’alphabet hébreu possède 22 lettres, donc un peu moins que le nôtre. L’al­phabet commence par l’alef et se termine par le tav.

Quand dans Apocalypse 1 se trouve écrit:

Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin’,

on pourrait le retraduire en hébreu par:

‘Je suis l’alef et le tav’.

C’est ce que fait Chouraqui dans sa traduction française, où il dit:

‘Je suis le premier et le dernier’.

L’alphabet hébreu a donc 22 lettres. Le fait que l’alphabet ne comporte que 22 lettres, est partiellement dû au fait que les voyelles n’y ont été ajou­­tées que plus tard. Les voyelles ne font pas partie des lettres de l’al­p­habet. Ce n’est que plus tard que les voyelles furent ajoutées. A l’ori­gine, il n’y avait que les consonnes.

Chaque lettre prend sa place dans le tout. On peut dire aussi que chaque lettre a sa propre signification, et que chaque lettre représente à son tour un pas dans l’histoire de Dieu. Donc, en épelant, nous conti­nu­ons sur le chemin vers le but final de l’alef au tav. Tout en épelant les mots, en les goûtant très prudemment, lettre par lettre, nous arrivons à l’achè­­vement.

C'est ainsi que Baäl Chem Tov, un rabbin juif du 18e siècle, fondateur du chas­­sidisme disait : ’Les lettres ont une âme’. Une lettre a une âme. Les lettres reçoivent pour ainsi dire des ailes, elles s’élèvent et se ras­­­semblent.

* Les quatre niveaux des lettres

C’est pourquoi on peut examiner une lettre à plusieurs niveaux.

D’abord au niveau terrestre, c’est le premier niveau, on pourrait dire aussi : le niveau physique. C'est le niveau usuel et dans le langage cou­rant, on dépasse rarement ce niveau. Chaque lettre, que ce soit le a ou le b ou le c, a sa signification au niveau terrestre, et on en reste là. Que l'on emploie a ou z : il ne s'agit que d'un emploi fonctionnel.

C’est l’emploi des lettres au niveau physique.

* Le second niveau est celui du spirituel. Les lettres reçoivent en quelque sorte une âme, un esprit, elles se mettent à respirer. Quelque chose du ruach, du souffle de Dieu les pénètre.

* Ensuite, on passe au troisième niveau, le niveau divin. C’est pourquoi les rab­bins disent : ‘Chaque lettre possède un corps et une âme’.

Une lettre a un corps, c’est la forme extérieure, l’apparence.

La lettre a aussi une âme, c’est le nèfech, c’est le son de la consonne. Le nèfech y pénètre, la lettre reçoit une âme.

Au troisième niveau, la lettre reçoit aussi le ruach, l’esprit, le souffle de Dieu. La voyelle s’y ajoute, le son et la couleur. La lettre devient un son.

* Le quatrième point est que la lettre reçoit un nechama. Nechamah sig­ni­fie souffle, esprit, mais peut aussi signifier mélodie.

1. La lettre a un corps. C’est en fait uniquement son côté extérieur, sa forme extérieure.

2. La lettre reçoit un nèfech, une âme, c’est le son de la consonne.

3. La lettre reçoit un ruach, un esprit ou un souffle. C’est la voyelle qui s’y ajoute, le son et la couleur.

4. La lettre reçoit un nechamah, un esprit et une mélodie. Elle est prise dans un récit.

* La langue primitive de la race humaine

Nous allons illustrer ces données au moyen des différentes lettres de l’al­phabet, afin que notre récit prenne plus de forme et de contenu.

Les lettres forment ensemble un secret donné par Dieu, une langue ori­gi­­nelle. On pourrait dire : une langue primitive.

On dit parfois que l’hébreu est la langue primitive du genre humain. C’est par cette langue que tout a commencé ; c’est la langue de l’origine. La question est de savoir combien nous pouvons encore comprendre de cette langue primitive .

Une ancienne tradition dit : ’Au commencement, lorsque les hommes vi­vaient encore très proches de Dieu, leur cœur était très large. Il y avait beau­­coup d’espace dans leur âme et leur cœur avait des portes comme des grandes salles’.

Des portes comme des celles des palais et des halls immenses. Les portes de leur cœur s’ouvraient largement et ils disaient : ’Seigneur, parle, car ton serviteur écoute’. Ils savaient re­ce­­voir les idées de Dieu parce qu’ils avaient de l’espace intérieur. En ef­fet, ils pouvaient chanter:

Voici, tout mon cœur est ouvert à Toi,

Seigneur, entre dans mon cœur.

C’était leur chant favori.

Ce chant leur venait du cœur. Ils ouvraient lar­­gement les portes de leur être profond, et l’Eternel pouvait pour ainsi dire, y entrer avec ses chars.

Quelle est la largeur de notre coeur ? Le récit ancien dit : Petit à petit, l’intérieur des hommes s’ouvrit de moins en moins. L’espace devint plus restreint et serré. Dans leur cœur, il n’y avait plus de grandes portes à deux battants, mais des sim­ples petites portes. Aux cours du temps, ces portes se rétrécirent de plus en plus. On voit une chose analogue avec les huttes en mottes de terre à Drenthe. Par­­fois, on n'ouvrait que la partie supérieure d’une petite porte. On se pen­­chait par-dessus la moitié inférieure pour faire la causette. Les gran­­des portes devinrent donc des petites portes qui se rétrécirent encore.

L’ancien récit dit : A notre époque, l’homme moderne n’a plus que le chas d’une aiguille comme entrée. Que peut-il encore faire entrer par-là? Combien y-a-t-il encore d’espace pour que le divin puisse y entrer? On voit alors combien il est nécessaire que l’homme renaisse d’en haut. Com­­bien il est urgent que Dieu ouvre le cœur à nouveau divinement pour qu’il y ait à nouveau de la place pour Lui !

* Tu m’élargis le cœur

Il faut que l’espace se crée, que les portes de notre cœur s’ouvrent à nou­veau. A ce moment, on verra que beaucoup plus de choses peuvent y en­trer. Si l’homme naît d’en haut, son cœur s’ouvre à nouveau et ce que dit le Psaume 119 se réalise :

Ø Je cours dans la voie de tes commandements,

car Tu élargis mon cœur. - Ps. 119:32.

Ø Je marcherai au large,

car je recherche tes ordonnances. - Ps. 119:45.

Dieu est présent dans chaque lettre et dans chaque mot. L’an­cienne sagesse juive dit : ’Il y a autant de lettres dans la Tora qu’il y avait d’en­fants d’Israël à la sortie d’Egypte’. Elles se trouvent à la sortie de la mai­son de servitude, près de la mer qui s’ouvre devant les Israé­lites, de sorte qu’un chemin se crée vers la Terre Promise. Il se trouve-là autant d’en­fants d’Israël que de lettres dans la Tora, dans les livres de Moïse. La sagesse juive dit : ‘Cela signifie que chaque fils d’Israël avait sa pro­pre lettre dans les cinq livres de Moïse’. Chaque enfant d’Israël a donc sa propre racine dans la Tora.

* Le Tout Puissant parle d’une façon tout à fait unique à notre cœur

C’est une très belle donnée. C’est aussi un profond prin­cipe spirituel. Quand l’homme s’approche de la parole de Dieu, il y trou­­ve sa propre racine. Chaque homme y retrouve quelque chose de lui-même. Quand on s'approche de la parole de Dieu, du cœur de Dieu, cette parole nous parle très personnellement. Et cela vaut pour chaque homme.

La parole de Dieu n’est pas une parole générale. Elle n’est pas une vérité gé­­nérale qui passe au-dessus de notre tête. Elle parle personnellement au cœur de chacun ! Elle est déposée dans notre cœur, elle nous attire. C’est cette voix très personnelle qui s’adresse à nous comme si nous étions l’unique personne sur toute la terre, comme si le Très Haut par­lait d’une façon unique à notre cœur.

A notre époque, c’est quelque chose que nous devons réapprendre, c’est quel­­que chose que nous avons perdu par la pluralité des paroles.

Il y a tant de publicités, de livres et de prospectus. Nous sommes telle­ment in­on­dés par ce flux de paroles que nous risquons de ne plus dis­tin­guer les vraies paroles de valeur et de les perdre.

* Un pas vers le ciel et un pas vers l’enfer

Si l’inventeur de l’imprimerie avait pû regarder dans le monde actuel et voir la quantité de papier que nous produisons et jetons, il se serait peut-être ravisé. Il se se­­rait peut-être dit : Je ne suis pas si sûr que cette imprimerie soit réellement une bonne invention.

Finalement, les anciens chinois et d’autres peuples ont fait des in­ven­tions qu’ils n’ont jamais mises à exécution. Dans les siècles passés, on a fait cer­taines découvertes et inventions dont on a décidé de ne pas les mettre en pra­­tique. Ce n’est que dans les temps modernes que toutes sortes d’in­ven­­tions ont effectivement été réalisées. Ces peuples d’autrefois montraient vi­si­­blement encore une retenue par rapport à la réalisation de leurs in­ven­tions. Ils possédaient déjà les techniques nécessaires à leur réalisation, mais ils se sont dit : Passons-les sous silence, car nous abordons un ter­rain dangereux.

Il se pourrait que l’imprimerie soit l’un de ces dangers. Les imprimés, les jour­naux…, on pourrait y réfléchir à l’infini. On lit vite car ce qui est écrit aujourd’hui, sera dépassé demain.

* La bénédiction de la limitation

Dernièrement, on a écrit un livre intitulé : La hâte d’Albertine. ’Être hâté, pres­sé’ est typique pour notre temps moderne. Le livre raconte l’histoire d’une jeune femme du 19ème siècle, qui découvre qu’avec les moyens de transport qui sont à sa disposition, elle peut en une seule journée vi­si­ter deux villages. En effet, on peut faire beaucoup de choses en une jour­­née, mais dans ce cas, que voit-on encore, qu’entend-on réellement?

C’est pourquoi il est essentiel que nous puissions nous arrêter auprès d’une lettre et d’un seul mot.

Il se pourrait que cela nous conduise à la détente et nous protège aussi de l' acharnement malsain de l’idée de n’avoir pas assez lu pendant la jour­­née. Si, aujourd’hui, j’ai lu une seule lettre, cela vaut peut-être plus que d’avoir lu cent pages. De toute façon, nous ne pourrons pas retenir toutes ces pages à la fois.

Le philosophe juif Georges Steiner s’est aussi débattu avec ce problème. Il dit : Lorsque j’étais jeune, j’avais le sentiment que je devais tout connaître. Il faisait des listes de rois, de papes, d’arbres et de fleurs. L’angoisse le prenait quand il se mettait à penser : ’Imaginons que j' oublie un nom et que mon in­for­­mation ne soit donc plus complète. Je ne pourrais alors plus en­­glober le tout’.

Steiner raconte le récit de la Reine-Mère d'Angleterre, qui habitait un grand pa­lais qui avait au moins deux cents fenêtres. Elle essayait à chaque fois de les compter, mais elle n’y arrivait pas. Elle pensa résoudre le pro­blème en mettant une bougie devant chaque fenêtre. En comptant les bou­­gies, elle aurait le nombre de fenêtres. Mais à chaque fois, elle dé­cou­­vrait qu’il y avait encore une fenêtre à laquelle il n’y avait pas de bougie.

L’homme découvre continuellement que ses bras sont trop courts. A chaque fois, il y a une fenêtre sans bougie. Georges Steiner dit : Le plus im­­portant est que nous apprenions à nous limiter. Il faut tout sim­plement arriver à se rendre compte que l'on ne sait pas tout et à l’ac­­­cepter. Il ne nous est pas demandé de tout savoir et de tout com­pren­dre.

* Être connu

Ainsi, nous arrivons à la première lettre. Contentons-nous de savoir qu’il y en a Un qui nous comprend. Nous ne savons pas tout englober, mais, nous pouvons dire : Je suis compris. Je ne peux pas tout savoir, mais il suffit qu’il y en ait Un qui, Lui, sait tout. Je ne peux pas connaître le tout, mais qu'il me suffise de savoir qu’il y en a Un qui me connaît.

Soyons satisfaits d’être connus de Lui.

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